Time Travelling — almost 5 years

A letter from Auriane to Auriane, from May 5th, 2020

May 05, 2020 May 05, 2025

Peaceful right?

Chère moi du future, Je ne sais comment tu vas, ni comment a évolué la situation après l'écriture de cette lettre. J'ai 17 ans. Tu en as 24. En cinq ans, il peut se passer tant de choses... ! Si tout s'est passé tel que je le prévois aujourd'hui, tu as fini tes études ou es en passe de les finir. Nous sommes le 5 mai 2020, il est 13h46, et venons de manger - mon dieu, cela me semble si ridicule, comme si j'écrivais le journal intime de mes douze ans ; mais tu seras bien située. Dans un peu moins d'une semaine désormais, la France sera déconfinée. Pour le meilleur, ou pour le pire. Car le virus continue sa course, et l'humanité tente désespérément de battre la mort : un espoir de vaccin est en cours de test à Oxford, mais les résultats ne seront disponibles que dans six mois voire plus, si résultats il y a. De nombreuses controverses traversent la société, pour des histoires de gros sous avec les lobbies, d'influence, de compétition. Les Etats Unis sont dépassés, et Trump continue de parader comme s'il avait la situation en main. Bolsonaro compare le virus à une petite grippe, alors que son pays, ou la santé est peu accessible, connait au moins 70 000 morts. La Chine contrôle l'OMS, l'UE... elle est en mesure de devenir numéro un mondial, et d'imposer enfin son idéologie. Cela me fait peur, tu sais. Je ne peux m'imaginer vivre dans une société du contrôle permanent, ou l'on doit maitriser ses propos et ne pas contester pour espérer survivre. Je ne peux m'imaginer vivre dans une dictature. J'ai besoin de ma liberté. La seule chose qui peut freiner ma liberté est mon esprit ; c'est donc une barrière consentie, et non imposée dont j'ai besoin. Comme tu l'es toujours peut être, j'ai du mal à supporter l'autorité, les ordres, la contrainte. J'aime agir selon mes propres idées, mes propres contraintes, sans pour autant le faire pour mon intérêt propre. Car je déteste l’égoïsme et l'individualisme qui sévissent dans notre société de la surconsommation. Surconsommation à l'arrêt, elle aussi. Ce qui me sidère, ce sont tous ces gens fiers de dire dans leurs stories instagram (ça existe toujours, en 2025?) qu'ils ont acheté tels ou tels articles sur vinted, asos ou je ne sais quels sites. N'ont ils donc aucune considération pour les pauvres livreurs qui, surmenés déjà en temps normal, risquent ici leur vie pour espérer gagner un salaire de misère en livrant des produits dont personne, au fond, n'a besoin ? Quel égoïsme, quel incivisme ! L'on parle de solidarité nationale, d'aide généralisée. Moi, je ne vois qu'une société malade qui va finir par s'écrouler. De ce fait, les violences policières explosent. Les classes populaires ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, et la crise ne fait qu'accentuer le phénomène. Alors, qu'est ce qui est resté après cinq années de reconstruction? Où en es tu ? Les hommes ont ils enfin compris que l'argent n'est pas un dieu que l'on vénère, mais un outil utile si bien utilisé? Les banquiers ont ils cessé d'être les rois du monde, alors qu'ils ne servent à rien ? L'entraide internationale est elle en place ? Les inégalités hommes femmes sont elles en passe d'être abolies ? L'éducation devient elle obligatoire partout dans le monde ? L'écologie est elle enfin une priorité des gouvernements, devant leurs intérêts privés ? La surconsommation a t elle été remplacée par quelque chose de durable, de raisonné ? Vit on dans un monde en paix, qui grandit et mûrit ? Tout cela, je l'espère très fort, tu sais. Car pour l'instant, j'ai peur de l'avenir. J'ai une peur bleue de ce que le monde va devenir, car cette crise peut être le tremplin vers quelque chose de meilleur, tout comme elle peut être l'abîme qui nous emportera tous. Pour l'instant, au vu des réactions, discours de chacun, je penche pour la seconde solution. Le pessimisme, de toute façon, cela me connaît. Pourtant tu sais, au fond, je reste quelqu'un de très optimiste, quelqu'un qui a envie de croire en l'avenir. Disons juste que j'ai du mal à me faire des illusions, car la nature des hommes commence à m'être familière. Je suis donc dans une impasse, car personne ne sait ce qui se passera durant les prochains mois. Dans deux semaines commencent à arriver les résultats de parcoursup. J'espère être prise dans un IEP : et je rêve souvent d'Aix en Provence en ce moment. Imagine moi enfin indépendante, dans un appartement ou une chambre étudiante dans une ville où je ne connais personne ! J'espère que tu as profité de ces cinq ans pour te réinventer. Car pour l'instant, tu as peur des gens alors même que tu désires tant t'en approcher. Tu sais, tu as le droit d'être vulnérable parfois. Tu as le droit de ne pas être parfaite, car personne ne l'est. Où que tu sois, j'espère que tu prends soin de tes relations, amicales, amoureuses, familiales. J'espère que tu es rentrée dans ce club de cinéma dont tu rêves aujourd'hui. Que tu as vu le maximum du septième art, et qu'il continue à te régaler. Peut être même as tu réussi l'exploit de réaliser ton propre film ? Ou peut être as tu écrit et publié un livre ? En tout cas, j'espère que tu t'es lancée dans quelque chose d'artistique, car tu sais que c'est ce qui te fait vibrer. La vie n'est pas juste une théorie lue sur un bouquin, comme tu as coutume de le dire dans ta tête à quelqu'un qui t'a déçue. La vie c'est beaucoup plus. Des amitiés, des bonnes soirées, des discussions qui n'en finissent plus, des amours heureuses et malheureuses, des baises, des souffrances, des joies. La vie est un patchwork coloré. J'espère que tu as enfin rencontré quelqu'un pour te faire croire en l'amour. Pour te faire vibrer, et donner le meilleur de toi même. J'espère que tu t'es engagée dans une association humanitaire. Que tu as fait quelque chose d'humain, pour aider des gens. Que tu tentes de changer le monde, de le rendre meilleur. J'espère que tu as fait ce voyage en Amérique Latine, que tu y es restée un an, et qu'il t'a aidée à grandir. Que tu parles désormais aussi bien espagnol que français. J'espère que tu es allée au Canada. Que tu as appris à aimer et connaitre ton pays d'origine comme il se doit. Que tu ne te contentes pas de ce que tu as, de ce que tu es, mais que tu fais tout pour devenir une meilleure version de toi, jour après jour. J'espère que tu es restée humble et accessible. J'espère que tu sais qui tu es, où tu vas, et que tu es bien entourée. Surtout, souviens toi que tout passe. Regarde moi, j'étais dépressive il y a peu de temps encore, je ne faisais confiance à personne ! Aujourd'hui, je suis capable d'être moi même sans honte, même si je suis encore gênée. Alors profite de ce que tu as, du moment présent, fais des choses folles et interdites car la vie est trop courte pour n'être consacrée qu'au travail ! Et enfin, ma chère, souviens toi que je t'aime. Que j'aime ton corps, ton esprit, et que tu ne dois laisser personne te dicter ta conduite ou ta pensée. Reste libre. Reste forte. Auriane. PS : Tes principaux amis aujourd'hui sont Aubry, Flore, Julie, Diane, Lou, Nina et Ib. Tu en as d'autres, mais tu leur parles moins. Es tu toujours en contact avec eux ? Avez vous enfin achevé vos projets artistiques ? Ont ils réussi à faire ce qu'ils voulaient faire ? Je l'espère.

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